RFI – Chronique Afrique économie du 6 décembre 2021, « Guinée: Aliou Diallo, ou l’art du «made in Guinée» »
Matthias Raynal : À la sortie de Conakry, à Sanoyah, là où la ville commence à ressembler à la campagne, en bas d’une colline, se trouve un atelier très modeste, trois pièces, tout juste, où résonne le claquement distinctif des métiers à tisser.
Aliou Diallo : Bienvenue à l’atelier Tokkora. Nous faisons du textile artisanal 100% coton fait main, nous associons le savoir-faire ancestral à la modernité. Moi, je suis Aliou Diallo, à la base je suis promoteur de la marque Tokkora.
J’ai fondé la marque. Je la gère aussi.
Matthias Raynal : Aliou Diallo fabrique le tissu au mètre, mais aussi des chemises, des kimonos, en s’inspirant des pagnes traditionnels comme le lépi, revisité.
Aliou Diallo : Nous avons actuellement une dizaine d’employés allant de la teinturière au couturier, en passant par le tisserand, le bobineur, le canneteur.
Matthias Raynal : Vous faites pratiquement toutes les étapes de la production, sauf la production de coton et le filage du coton, quoi.
Aliou Diallo : Exactement, tout le reste se fait ici. En fait, le constat, c’est quoi ? C’est que nous avons un savoir-faire très riche ici, mais on est inondés par le textile qui vient de l’extérieur.
Matthias Raynal : Qui vient d’où, justement ?
Aliou Diallo : De la Chine en général, de l’Inde. Donc on a remarqué qu’on a un savoir-faire riche ici, mais il faut l’adapter à la consommation, c’est-à-dire qu’il ne peut pas rester un produit purement artisanal. Il faut qu’il soit artisanal dans la fabrication mais dans l’utilisation, qu’il soit moderne. Donc on dit : «Comment est-ce que les autres ont fait pour avoir un tissu de qualité ? » On a fait des recherches, on a développé des métiers, on a développé notre façon de faire la teinture, on a développé notre façon de finir pour proposer ce produit-là.
Matthias Raynal : Pour produire en plus grande quantité, tout en respectant des standards de qualité internationaux, Aliou Diallo a mis au point ses propres métiers à tisser.
Aliou Diallo : « On fait intervenir les chaudronniers, on fait intervenir les menuisiers même dans la fabrication de nos métiers, parce que nos métiers à tisser sont des métiers hybrides, structure en fer et puis du bois pour faire traverser le fil. Donc lorsque vous achetez une chemise avec nous, il faut vous dire qu’il y a des dizaines et des dizaines de personnes qui ont apporté leur touche.
Matthias Raynal : Les produits de Tokkora sont vendus sur Internet pour l’instant, sur les réseaux sociaux, mais Aliou Diallo cherche aujourd’hui une boutique en ville pour se rapprocher de ses clients