RFI – Chronique Orient hebdo du 31 janvier 2020, « Migrations au Maroc: l’impasse ? »
De 4’03 à 7’38
– Oui, alors, on considère généralement, Hicham Houdaïfa, que le Maroc est un pays de transit, on le sait : beaucoup de migrants venus d’Afrique subsaharienne qui traversent le pays pour passer en Espagne et en France, et en Europe, plus généralement. Mais le Maroc serait donc, selon vous, devenu aussi une terre d’installation ?
– En fait, le plan A qui a poussé les migrants subsahariens à venir au Maroc, pour passer par les enclaves de Ceuta et Mellila et pour passer en terre européenne s’est transformé au fil des ans à un plan B, parce que les politiques restrictives appliquées par l’Europe pour empêcher les migrants de passer de l’Afrique, notamment du Maroc, vers l’Europe ont fait que beaucoup de ces migrants se sont installés au Maroc et puis, petit à petit, ils ont commencé à concevoir leur vie au Maroc. Et donc on est plus devant le scénario des années 2003, 2004, 2005 où les migrants subsahariens venaient, montaient au nord du Maroc pour trouver l’occasion de passer de l’autre côté des grillages qui séparent le Maroc de ses enclaves. Maintenant, on est devant une situation où on a pas mal de migrants qui
sont installés au Maroc depuis des années, qui ont des enfants au Maroc, et qui travaillent au Maroc et qui ont même envie de rester au Maroc.
Nous avons également des étudiants subsahariens qui sont venus étudier au Maroc, puisqu’encore une fois les portes de l’Europe leur sont fermées, et qui après obtention de leur diplôme, travaillent dans des entreprises marocaines, se marient parfois à une Marocaine ou à une Subsaharienne, ont des enfants dans ce pays, et donc nous nous retrouvons dans un autre scénario, qui n’a absolument rien à voir avec les premières années de la migration subsaharienne au Maroc, voilà.
– Alors, justement qui sont-ils ces migrants, ceux qui viennent, et qui finalement s’installent ? De quels pays généralement viennent-ils et combien sont-ils au Maroc aujourd’hui ?
– Ils viennent de tous les pays subsahariens. Nous avons au Maroc une tradition de migration des pays de l’Afrique de l’ouest, bien avant ce cycle migratoire récent, notamment du Sénégal, qui est un pays proche du Maroc et du Mali, du fait que, bon voilà, il y a une histoire commune avec ces pays-là, notamment une histoire religieuse commune de zaouïa, ils sont tous des tidjanes, en grande partie, ou une partie d’entre eux sont des tidjanes qui est une zaouïa marocaine à Fès. Mais ils viennent également de la République démocratique du Congo, du Cameroun, ils viennent de la Côte d’Ivoire, aussi des pays anglophones comme le Nigéria.
Donc, nous avons vraiment une diversité au niveau des nationalités, mais nous avons également une diversité au niveau des profils, parce que comme j’ai dit tout à l’heure ; on a des migrants qui viennent pour étudier, qui repartent dans leurs pays ou qui restent au Maroc. On a des migrants qui viennent au Maroc parce qu’ils fuient la guerre, parce qu’au Libéria ou dans les pays du Sahel… où ils viennent chercher un avenir meilleur. Bien sûr, leur rêve c’est l’Europe, mais après le Maroc, c’est stable, donc c’est meilleur que chez eux. Et puis nous avons des migrants économiques qui viennent au Maroc parce que les conditions de vie sont effroyables dans leur pays. Donc on a cette diversité-là. La campagne de régularisation a touché 50 000 migrants de toutes les nationalités. Et on estime le nombre des migrants, selon les derniers sondages du HCP en 2014, si je ne me trompe pas, dans les 90 000. C’est des chiffres qui ne sont pas énormes. Nous n’avons pas une population importante et puis, il ne faut pas oublier que nous avons également des migrants blancs, mais ceux-là, on les nomme les « expatriés » du fait qu’ils sont d’Europe, principalement de France, mais qui n’ont pas le même statut que les migrants subsahariens.
– Voilà, ceux qui viennent passer leur retraite au Maroc, dans des conditions, disons, générales, beaucoup plus calmes et plus ensoleillées peut-être qu’en Europe.