TV5MONDE – Entrepreneurs stories du 21 mars 2019 – © RTS
[Voix off :] Sofia De Meyer, prise une.
[Laurent Haug, journaliste :] Vous dites que le modèle d’économie mondialisée ne fonctionne plus. Pourquoi ?
[Sofia De Meyer, co-fondatrice des jus Opaline et de la Fondation Opaline :] L’économie mondialisée, déjà, elle nous déconnecte de la notion de la « communauté ». C’est parce qu’à partir du moment où on est déconnecté de son fournisseur, de sa clientèle, eh bien, on retombe dans des réflexes d’optimisation financière.
La deuxième raison, elle est au niveau environnemental. L’économie mondialisée veut dire qu’on va acheter la matière première dans un endroit, la faire aller dans un autre endroit pour qu’elle soit partiellement produite, dans un troisième endroit pour qu’on complète la production puis pour arriver au point de vente. Donc, il y a un impact environnemental absolument énorme. Et on voit aujourd’hui la crise écologique que l’on vit. Je crois que c’est une des raisons qu’il nous faut adresser[1].
[Laurent Haug :] Beaucoup de gens font des entreprises durables. Vous, vous allez beaucoup plus loin : vous faites une entreprise régénérative. Qu’est-ce que ça veut dire ?
[Sofia De Meyer :] Alors, « régénérative », c’est aller au-delà du durable. C’est de se dire : ben, l’entrepreneuriat, il doit pas juste limiter son impact négatif, il doit travailler sur un impact positif.
[Laurent Haug :] Cette approche fait, par exemple, que vous avez des liens tout particuliers avec vos employés.
[Sofia De Meyer :] Eh bien, dans cette idée de l’économie régénérative, on va créer un lieu de vie qui soit inspirant pour tous. Concrètement, ça veut dire que chaque personne est valorisée par rapport à son engagement, et puis, à ce qu’elle va amener à l’entreprise. Également au niveau salarial, on a adopté chez Opaline quelque chose d’assez révolutionnaire où tout le monde est payé le même salaire. Ça a amené des discussions assez intéressantes sur quelle est la notion de ce salaire : qu’est-ce que mon travail vaut finalement ? Et puis : qu’est-ce que je suis d’accord d’accepter ?
[Laurent Haug :] Comment se traduit votre approche dans vos relations avec vos clients ?
[Sofia De Meyer :] Il y a ce lien de confiance qu’on essaie de créer. Donc, la transparence. On est beaucoup sur le terrain, à aller à la rencontre de nos clients. On fait des animations, des dégustations, mais aussi des ateliers. Voilà, on crée des liens.
[Laurent Haug :] Il y a un mot dont on parle beaucoup en ce moment, c’est « B Corp ». C’est une certification. Est-ce que vous pouvez nous expliquer ce que c’est que ce label ?
[Sofia De Meyer :] C’est une certification pour les entreprises qui s’engagent pour avoir un impact positif. Une entreprise va pouvoir être certifiée « B Corp » par rapport à différents éléments sans être parfaite sur tous les plans.
[Laurent Haug :] Vous étiez dans le monde corporate dans une grande ville : avocate à Londres. Aujourd’hui, vous êtes à la montagne, entrepreneuse. Qu’est-ce qui a été le plus difficile dans la transition d’un monde à l’autre.
[Sofia De Meyer :] Ça génère toutes sortes de retour de notre environnement, notre famille, nos amis qui ne comprennent pas comment une personne qui est avocate, qui a une sorte de sécurité d’emploi, puisse lâcher pour faire autre chose. On n’est pas encore dans cet état d’esprit. Du moins notre génération. On a un travail pour le garder. Or, aujourd’hui, la vie pour moi, c’est le changement. Qui dit entrepreneur dit échec. Pour moi, ça va ensemble. Je crois qu’on est tous animés de peur. Après, la question, c’est comment est-ce que je gère cette peur. Qu’est-ce qu’elle me dit ? Jusqu’où je peux aller ? Et puis, c’est de s’écouter et puis petit à petit de faire son chemin.
[Voix off :] Entrepreneur stories, clap de fin.
[1] « adresser » (un problème) : anglicisme (to address an issue) ; on préférera « aborder » ou « traiter » (un problème)