Publié le 30 avril 2020
Entretien avec André Leblanc, Lauréat 2020 du Diplôme de Didactique du Français sur Objectifs Spécifiques (DDIFOS).
André Leblanc réside en Suède depuis 1995. Il est Maître de conférences en littérature française depuis 2010 à l’Université de Dalécarlie (Dalarna University). Québécois d’origine, il a débuté son parcours d’enseignant comme professeur de FLE en région parisienne.
Il nous présente son projet pédagogique : « Former au français de la santé des psychiatres non-francophones ».
J’ai enseigné le FLE en région parisienne dans les années 90. C’est ainsi que j’ai été amené à donner, chez Renault, des cours de français des affaires à des ingénieurs suédois de Volvo. J’ai eu la chance d’y former une vingtaine d’ingénieurs. Puis, encouragé par ces derniers qui m’ont convaincu de l’attrait de la langue française en Suède, c’est tout naturellement que j’ai eu l’envie d’aller y travailler.
Tout à fait. Étant docteur en littérature à la base, je me suis d’abord concentré sur le français littéraire. Mais ce qui est très intéressant c’est que j’ai très vite senti le besoin en FOS, car la Suède est un pays très industrialisé, très exportateur. Le français doit donc s’orienter vers des objectifs professionnels précis.
C’est une des raisons pour laquelle je donne des cours de français des affaires en ligne au sein de mon université où le français est très populaire.
Mon entourage familial est composé de psychiatres et de médecins. J’ai moi-même travaillé dans un institut psychiatrique comme aide-soignant. Mais c’est surtout mon expérience en 2008 en Roumanie puis en Pologne, au sein d’une agence de recrutement de médecins qui a été décisive. J’ai pu m’apercevoir qu’il y avait très peu de matériel pertinent en FOS dans le secteur médical, et plus particulièrement en psychiatrie.
Ces agences recrutent des médecins d’Europe de l’Est pour des postes en Europe de l’Ouest, notamment en France. Pour les psychiatres, une des conditions à remplir pour exercer dans les hôpitaux français est d’avoir un niveau B2 en langue française.
Or la plupart des agences de recrutement proposent uniquement des cours de FLE généraux en ligne, les outils existants adoptant de surcroît le point de vue de l’enseignant et non du praticien. Tout cela me paraissait vraiment insuffisant pour pouvoir maîtriser le français psychiatrique en situation professionnelle.
Pour moi, l’atout du FOS c’est la nécessité de partir des besoins. Tout mon travail a été orienté sur cet axe-là. Dans mon cas, l’identification des besoins a été possible grâce aux échanges que j’ai eus avec un psychiatre parisien et une psychothérapeute non-francophone ayant exercé en France.
Ils m’ont permis de cibler l’élément central de ma formation : comment permettre à des psychiatres non francophones d’utiliser les mots justes pour établir et maintenir le lien de confiance avec leurs patients.
Pour bien comprendre un patient, il faut aussi bien comprendre la culture qui l’entoure, les allusions au passé. La force du français pour ces praticiens, c’est que leur maîtrise de la langue va de pair avec leur maîtrise de la culture francophone.
C’est sûr ! Au sein de mon université pour commencer, où nous possédons une faculté des sciences infirmières.
Ma formation pouvant être transposée dans n’importe quelle langue, j’imagine que son expertise pourrait être adaptée (notamment aux différentes écoles de psychiatrie), puis diffusée en Suède, où de nombreux organismes publics et privés travaillent à l’aide aux pays étrangers. La Suède consacre un budget conséquent dans ce domaine chaque année notamment vers les pays africains. Le besoin en français médical est bien là !
~ Propos recueillis par Laetitia Hedengren